Charlie

 

Charlie Schlingo est mort en Juin 2005. Il laisse un grand vide, celui que laissent les types hors du commun. S'il semblait toujours débarquer d'une autre galaxie c'était une fausse impression car c'est bien notre planète qu'il arpentait de sa démarche chaloupée, fidèlement suivi de Chuletta sa petite chienne adorée, mais sur des chemins totalement inconnus de nous. De là, il rapportait des merveilles. Des trésors d'absurdité, de poésie, de connerie absolue élévée au rang de grand art et qui confinaient au génie. Tout cela irradiait dans son travail mais aussi de sa personne. Il y avait très peu de décalage entre son œuvre et lui-même : autour de lui, la réalité avait fini par être conforme à l'univers de ses bandes dessinées. Le côtoyer, c'était vivre un trip hallucinant avec Désiré Gogueneau ou Tamponn Destartinn. Patron! Une cuite s'il vous plaît! Mais pas n'importe laquelle.

Faire de simples courses avec lui devenait une aventure et en sa compagnie on regardait le monde d'un œil neuf, peut-être celui d'un enfant ou plutôt d'un sale gosse. Il demandait subitement au marchand de légumes interloqué : pourquoi les gens ils aiment pas les tomates?... À la buraliste, qu'il ne connaissait ni d'Ève ni d'Adam : Bonjour Madame l'Escargot! et en effet, en la regardant bien, la dame avait quelque chose d'un gastéropode. On a pu le voir rentrer à l'hôtel à 8h du matin, complètement bourré, et dire, très sérieux, au réceptionniste héberlué : Vous me réveillerez à 7h! et filer se coucher pour ronfler illico comme un bienheureux. Pour prendre la mesure du personnage, on peut se fier au talent de Stéphane Rosse, qui a été son alter ego et collaborateur, quand il raconte leur rendez-vous avec un producteur.

Charlie était imprévisible, ingérable, généreux, insupportable, chaleureux, mufle, délicat, amoureux, désespéré, hilarant, incroyable... Je lui dois, comme sans doute tous ceux qui l'aimaient, des moments de bonheur et de rigolade uniques.

Joko

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